L’exposition «Expression(s) décoloniale(s)» au Musée d’histoire de la ville de Nantes

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Du lundi au vendredi, un journaliste du Service Culture reçoit un acteur de la vie culturelle, pour aborder son actualité et réagir aux initiatives artistiques en France et dans le monde.

« Expressions décoloniales », c’est le titre de l’exposition proposée par le Musée d’histoire de la ville de Nantes. Ce musée consacré à la mémoire de la traite négrière invite tous les deux ans un artiste et un historien, tous deux africains, afin de revisiter les collections et décoloniser la pensée ainsi que l’imaginaire. « Tant que les lions n’auront pas leur propre histoire, l’histoire de la chasse glorifiera le chasseur. » En vertu de ce principe, le Musée d’histoire de la ville de Nantes a décidé depuis quatre ans de donner la parole à ceux que l’histoire a longtemps privés de parole.« On s’est rendu compte, après la période d’ouverture du musée, que ces documents anciens véhiculaient quelque chose, une représentation, une idéologie, une vision de l’autre, analyse Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée. Quoi que nous disions, quoi que nous fassions, c’était presque plus fort que notre propos. Et c’est là que nous est venue l’idée d’inviter systématiquement un historien du continent africain et un ou des artistes du continent africain. »Cette année, le musée a fait appel à l’historien camerounais François Wassouni, aux artistes Barthélémy Toguo, Kara Walker ou encore Jean-François Boclé. Ils confrontent leur savoir et leur art au fond muséal composé de pièces héritées des négriers nantais.« Sur cette carte de l’Afrique qui est une carte hollandaise de 1644, ce qu’il faut comprendre, c’est que, bien sûr, c’est un document géographique, mais c’est aussi un instrument politique, continue la conservatrice. Et la notion d’expression décoloniale, c’est cela, c’est de permettre à un historien venu du continent africain de venir raconter comment cet objet est un objet politique qui donne une vision de l’Afrique. Cette vision de l’Afrique, c’est un territoire dans lequel il n’y a pas de ville, il n’y a pas de culture, pas de royaume, il n’y a pas d’habitant. Et cela donne l’impression d’un territoire dans lequel on peut venir se servir puisqu’il n’y aurait rien. »Jean-François Boclé est un artiste dont l’œuvre intitulée « Outre mémoire » revient sur le Code noir, cet ensemble de 60 articles de loi rédigé sous Louis XIV et régissant la condition d’esclave. « C’est un Martiniquais qui nous remet sur les bancs de l’école, car il n’a jamais appris, sur les bancs de l’école et sur le tableau noir, l’histoire de la traite », précise Krystel Gualdé.Pour ces artistes et ces scientifiques, il s’agit moins de déconstruire que de co-construire une histoire partagée et universelle.