Comme chaque année depuis 2012, la ville de Nantes propose durant les deux mois d’été aux visiteurs un parcours artistique de plus de 20 kilomètres dans la ville. C’est le Voyage à Nantes. Cette année, Nantes a décidé de mettre en mouvement les statues, notamment celles de son patrimoine. Tremblement immobile, c’est le titre de ce parcours culturel qui attire chaque année 700 000 visiteurs à Nantes. « Quand on a vu ces statues en levant la tête, j’ai dit, mais attends, elles sont là depuis 175 ans. On ne les voit plus, elles sont immobiles. On s’est dit, on va réveiller les statues. » Depuis 11 ans, Jean Blaise, le directeur général du Voyage à Nantes, fait descendre l’art dans la rue. Cette fois-ci, il a décidé de lui insuffler un supplément d’âme. « L’idée, c’était de donner à un peu plus d’humanité à ces statuts, de retrouver l’humanité qu’elles ont perdu. »Emmanuel Divet, l’un des chargés de programmation, a proposé à l’artiste Olivier Texier de réinstaller quatre copies grandeur nature de quatre statues emblématiques de la ville. Ainsi, le fameux général Cambronne ne brandit plus seulement son sabre sur le cours de la République, il sirote désormais un muscadet à la terrasse de la célèbre brasserie la Cigale. Reproduction à l’identique, mais dans une pause décontractée. « Je trouvais ça rigolo de les faire descendre de leur piédestal, de leur faire prendre une dimension humaine. Et puis travailler un peu sur une expression qui soit à la fois un petit peu étonnée d’être là, un petit peu goguenarde aussi, avec une espèce de regard tourné vers l’intérieur, où ils sont aussi en méditation sur leur sort de statut, on va dire », déclare Olivier Texier. À lire aussiVoyage à Nantes: un parcours contemporain dans la ville portuaireLe parcours du voyage à Nantes tient beaucoup à l’inspiration du sculpteur Philippe Ramette, qui, cinq ans après son éloge du pas de côté, statut qui a un pied dans le vide, revient à Nantes avec une statue identique, mais qui pousse son piédestal dans un éloge du déplacement. « C’est vraiment une particularité du voyage à Nantes. Cette possibilité, cette invitation faite aux artistes de pouvoir installer des œuvres dans cet espace public. Donc c’est extrêmement excitant pour nous d’être libéré des murs de la galerie. Tout à l’heure, par exemple, les réactions des jeunes filles » on dirait De Gaulle ». Bon, moi, je suis friand de ce type, pas forcément de De Gaulle, mais en tout cas de ce type de réactions. » Les 20 km de parcours dans les rues et les lieux plus ou moins cachés de Nantes laissent aussi place à la réflexion. Les œuvres de la belge Maen Florin interpellent sur le changement climatique. Celles de son compatriote Johan Creten rappellent que Nantes fut l’un des centres de la traite négrière. Un passé questionné par le travail du plasticien camerounais Barthélémy Toguo et de l’historien lui aussi camerounais, François Wassouni. « C’est vrai qu’on est objectivement, je crois, la première ville en France à avoir fait le choix d’assumer cette part de notre histoire avec lucidité, en considérant surtout que ce n’était pas simplement l’histoire de quelques-uns, mais bien l’histoire de toute l’humanité », affirme Johanna Rolland, maire de Nantes. Un devoir de transmission qui exprime d’une autre façon cette envie de déboulonner les statuts et de libérer le passé.
Voyage à Nantes: des statues en mouvement envahissent la ville
Du lundi au vendredi, un journaliste du Service Culture reçoit un acteur de la vie culturelle, pour aborder son actualité et réagir aux initiatives artistiques en France et dans le monde.
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